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« Le risque, c’est ce qu’on ne voit pas. »
– Morgan Housel
J’ai récemment eu l’occasion d’interviewer Morgan Housel, auteur primé et partenaire de The Collaborative Fund. Il est l’auteur des best-sellers The Psychology of Money et Same As Ever du New York Times. Ses livres se sont vendus à plus de cinq millions d’exemplaires et ont été traduits dans plus de 50 langues. Il nous a fait part de son point de vue sur le risque, les pièges des données et la façon d’être plus heureux.
Les plus grands risques sont le fruit d’événements inconnus et imprévisibles. Non seulement personne ne les a venu venir, mais il était impossible de même les envisager, a affirmé M. Housel. Il a donné des exemples, comme l’attaque de Pearl Harbor, 9/11, l’effondrement de Lehman Brothers, la pandémie de Covid et, plus récemment, l’aggravation du conflit au Moyen-Orient. Au début de chaque nouvelle année en janvier, des publications comme The Wall Street Journal émettent des prédictions sur l’évolution possible de l’économie mondiale au cours des 12 mois à venir. Inévitablement, le ou les plus grands risques qui menacent l’économie ne sont jamais mentionnés.
« Le risque, c’est ce qu’on ne voit pas, a-t-il lancé. Si vous ne pouvez pas envisager un risque, vous ne pouvez pas vous y préparer, et si vous n’êtes pas prêt lorsqu’il arrive, les dommages perpétrés seront amplifiés. Il n’y a aucune formule, aucune solution pour remédier au fait que le risque est invisible. Les gens posent fréquemment la question : ‘Quel sera le prochain cygne noir?’ Mais la question est peine perdue puisque de tels événements ne sont jamais connus – c’est la raison pour laquelle ils prennent une telle ampleur. »
Housel a deux recommandations clés pour envisager les événements mondiaux de façon plus saine. D’abord : accepter que les risques soient inconnus. Puis ensuite : investir en préparation et non en prévision. « Il y a une énorme différence entre prévoir quand la prochaine récession va frapper et se prévaloir d’une répartition de l’actif qui vous permettra de survivre à la récession lorsqu’elle se présentera. Les attentes et les prévisions sont deux choses très différentes. Tant de choses ne changent jamais et il n’y a aucune solution pour y remédier. Vous n’arriverez jamais à régler ce problème. »
« Nous ne devrions pas prétendre que si nous étions nés en Afrique dans les années 1700, nous aurions les mêmes opinions sur le capitalisme que celles que nous avons aujourd’hui. Nos opinions sont façonnées par des faits complètement aléatoires, comme le moment et l’endroit où nous sommes nés. Je crois au libre arbitre, mais la majorité de ce que nous pensons à propos de l’économie est basée sur des expériences personnelles, les nôtres et celles de nos parents et grands-parents. En tant qu’individus, toute notre façon d’envisager l’économie a été déterminée par l’endroit et le moment de notre naissance, ainsi que les personnes de qui nous sommes nés. »
Par ailleurs, M. Housel recommande de cultiver l’humilité, car une bonne partie de ce qui arrive en finance consiste à éviter les excès de confiance. « Lorsqu’on retrouve la modestie et qu’on réalise à quel point le monde peut être fragile, on est alors moins tenté d’essayer de prédire des choses qui sont imprévisibles. Vous pourriez tout perdre en l’espace de quelques secondes. » Pour illustrer son propos, M. Housel a relaté une entrevue qu’il a menée auprès de Daniel Kahneman, économiste gagnant d’un prix Nobel qui, lors de leur discussion, a affirmé être la personne la plus pessimiste sur terre. M. Housel a trouvé cette affirmation surprenante jusqu’à ce M. Kahneman lui explique avoir grandi dans une famille juive en France lors de l’occupation nazie de la Deuxième Guerre mondiale. L’impression que, peu importe votre niveau de confort sur terre, tout peut vous être retiré en une seconde est demeurée avec lui toute sa vie.
« Le hasard est intéressant. Il joue un énorme rôle sur l’échiquier économique mondial, mais il est très difficile d’en parler. Peut-être qu’une meilleure façon de l’envisager consiste à se demander : ‘qu’est-ce qu’on peut reproduire?’ Lorsque vous pensez à vos modèles du monde financier, peu importe qui ils ou elles sont, il est utile de pouvoir repérer les gestes qu’ils ont posés et que vous pourriez reproduire.
M. Housel s’est servi de l’exemple de Warren Buffett à cet égard. On a beaucoup à apprendre de lui, mais personne ne peut recréer les conditions économiques et commerciales de l’Amérique des années 1950, moment où M. Buffett a acheté ses actions de premier ordre. « Il faut rechercher les compétences que l’on peut reproduire », a conseillé M. Housel.
Selon Daniel Kahneman, la meilleure définition de risque est la suivante : ce qui deviendra votre plus grande source de regrets à l’avenir. En ce sens, un bon investisseur doit donc se questionner en fonction de ce constat pour en arriver à une impression bien calibrée de ses regrets futurs. On en conclut également qu’il n’existe pas une seule définition du risque qui convient à tous. Jeff Bezos aurait déjà dit savoir qu’il n’aurait eu aucun regret à échouer de mettre sur pied Amazon, mais qu’il aurait eu des regrets s’il n’avait pas essayé.
« Je suis différent, a affirmé M. Housel. Si j’avais passé cinq ans de ma vie à tenter de lancer une entreprise et que le tout s’était soldé par un échec, j’aurais certainement eu beaucoup de regrets. Chaque personne a une façon différente d’envisager le risque. Il est impossible de le faire rentrer dans une quelconque formule. Si le problème est comportemental, disposer de plus de données n’aidera en rien la cause. Aucun chiffrier Excel n’arrivera à changer fondamentalement la quantité de dopamine ou de cortisol dans votre cerveau. »
Une des plus grandes leçons tirées par M. Housel est la suivante : la plupart des débats financiers mettent en scène différentes tolérances au risque, une variété d’horizons temporels et diverses personnes qui parlent toutes en même temps. Comme la finance fait intervenir des mathématiques, a-t-il précisé, il est tentant de croire qu’il existe une seule bonne réponse.
« La finance qui est enseignée laisse croire qu’il existe une bonne réponse. Or, il faut absolument s’éloigner de cette hypothèse. Ce faisant, le processus de décision sera de beaucoup simplifié. Certains conseils se révéleront avantageux pour moi, mais désastreux pour vous. Personne ne devrait avoir la même répartition de l’actif. J’ai pris des décisions financières qui causeraient de la confusion chez bon nombre de mes amis beaucoup plus intelligents. Mais ces décisions me permettent de bien dormir la nuit et cela me suffit amplement. Je suis émotionnel, tout comme vous d’ailleurs. Nous devons donc assumer à quel point les finances personnelles sont, dans les faits, personnelles. Il faut savoir quand les données apportent quelque chose de positif et quand elles ne servent qu’à vous faire dévier du droit chemin. »
L’espérance de vie s’est allongée pour la plupart des humains. La richesse aussi a augmenté pour la plupart. Nous tirons parti de meilleures technologies et de meilleurs médicaments et moins de gens vivent dans la pauvreté. Et pourtant, malgré ces améliorations de la qualité de vie, personne ne semble plus heureux. Voilà un des éléments qui « ne changent jamais », affirme M. Housel. « Il n’y a encore là aucune solution, car nos attentes s’accroissent au même rythme que notre prospérité. »
Il est vrai, en situation de pauvreté, qu’une augmentation de salaire puisse se traduire par un plus grand bonheur, mais pour la personne moyenne, cette corrélation ne fonctionne pas, a-t-il ajouté. « Les Américains ne se réveillent pas heureux tous les matins parce qu’il existe un vaccin contre la polio. Nous repoussons toujours plus loin les jalons du bonheur. J’aimerais vivre dans un monde où mes petits enfants n’auront pas à craindre le cancer. La joie ressentie à l’arrivée d’un remède sera brève, car il deviendra vite un acquis. »
Donc, le conseil de M. Housel est le suivant : essayer de comprendre le jeu auquel vous jouez et repérer à quoi sert l’argent dans votre vie. Vous en servez-vous pour avoir une vie meilleure ou comme moyen de vous mesurer à votre voisin?
Amar Pandya, CFA, est le gestionnaire de portefeuille du Fonds alternatif d’arbitrage et du Fonds alternatif de situations spéciales Pender à Gestion de Capital PenderFund.
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Image: iStock.com/bestdesigns
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