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Les investisseurs ont connu une période de montagnes russes ces deux dernières semaines. La tension a atteint son comble sur le coup de minuit le vendredi 10 mai, lorsque les nouveaux tarifs du président américain Donald Trump sont entrés en vigueur, soit des tarifs de 25 % sur 200 milliards de dollars de biens chinois. Puis, plus tard vendredi, les négociations ont pris fin sans réels progrès et on ignore quand les pourparlers vont reprendre. Qui plus est, la Chine a riposté le 13 mai au matin en annonçant des tarifs sur des biens américains importés en Chine.
Les lecteurs assidus se souviendront que j’ai toujours été plutôt pessimiste quant à la possibilité que les États-Unis parviennent à conclure un accord commercial significatif avec la Chine. Je crains les retombées négatives des tarifs et une riposte cinglante de la Chine contre les États-Unis. De plus, j’ai toujours cru que les États-Unis ont tort de se préoccuper des déficits commerciaux. Les accords de libre-échange ont toujours produit des prix plus bas en permettant aux entreprises et aux consommateurs de s’approvisionner auprès du fournisseur au plus bas prix; les importations de la Chine à plus bas prix ont réduit globalement les prix à la consommation aux États-Unis de 1 à 1,5 %.1 Cela représente des économies substantielles pour les Américains à revenu faible ou moyen. Grâce au commerce avec la Chine, un ménage américain typique dont le revenu était d’environ 56 500 $ en 2015 a pu économiser jusqu’à 850 $ cette année-là.1 En revanche, à mon avis, l’imposition de tarifs et d’autres mesures protectionnistes ne fera qu’augmenter les prix. Les tarifs peuvent faire grimper le taux d’inflation, non pas en stimulant la demande, mais simplement en faisant augmenter le coût des biens.
L’entrée en vigueur de nouveaux tarifs peut provoquer l’une ou l’autre des trois conséquences énumérées ci-dessous :
1. Dans certaines industries, les entreprises seront incapables de refiler les hausses de coûts à leurs clients. Cela aura pour effet de gruger les profits de l’entreprise. Pour les sociétés ouvertes, cela nuit aux bénéfices et pourrait se répercuter sur les cours boursiers.
2. Certaines entreprises vont refiler les hausses de coûts provoquées par les tarifs à leurs clients (par exemple, Apple a laissé entendre que c’est ce qu’elle a l’intention de faire) et les consommateurs vont payer plus cher pour le même produit. Cela signifie que, toutes proportions gardées, les consommateurs auront moins d’argent à consacrer à l’achat d’autres biens ou services.
3. Certaines entreprises vont tenter de refiler les hausses de coûts à leurs clients, mais elles risquent d’anéantir la demande si les consommateurs achètent moins. Traditionnellement, les économistes ont parlé en long et en large de l’anéantissement de la demande dans le contexte de l’énergie. Par exemple, si l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) réduisait sa production, ce qui ferait augmenter les prix du pétrole, les consommateurs pourraient réduire leurs déplacements et, par le fait même, leur consommation de pétrole, ce qui anéantirait la demande. Dans le cas des guerres commerciales qui font rage en ce moment, nous commençons déjà à voir des signes d’anéantissement de la demande dans une industrie qui a été l’une des premières à subir les effets de l’imposition de tarifs au début de 2018 : les machines à laver. D’autres produits pourraient subir le même sort, y compris d’autres « biens durables coûteux », comme les automobiles, si des tarifs sont imposés.
Le problème des tarifs comme source de revenus
Je suis de plus en plus convaincue que nous sommes loin de la conclusion d’un accord commercial, et ce, pour plusieurs raisons.
D’abord et avant tout, la Chine a clairement fait savoir qu’elle a de sérieuses réserves quant aux revendications des États-Unis concernant la propriété intellectuelle et les transferts de technologies, deux éléments auxquels les États-Unis tiennent mordicus. De plus, comme je l’ai déjà dit, la Chine est persuadée de pouvoir jouer un « jeu de patience » avec l’Administration Trump. On pouvait lire dans l’édition du 13 mai du Wall Street Journal la déclaration d’un haut fonctionnaire chinois qui disait ceci : « le temps joue en notre faveur ».
De plus, je commence à craindre que les États-Unis se mettent à se fier aux tarifs pour contrer l’augmentation du déficit budgétaire américain. Nous avons appris récemment que le déficit budgétaire des États-Unis a augmenté considérablement au cours des sept premiers mois de l’exercice (soit d’octobre 2018 à avril 2019) pour atteindre 531 milliards de dollars, en hausse par rapport à 385 milliards de dollars pendant la même période un an auparavant.2 Les dépenses publiques fédérales ont augmenté de 8 % pour atteindre près de 2,6 mille milliards de dollars, mais une partie de cette somme est attribuable au fait que ces données coïncident avec le versement des prestations, tandis que les revenus ont augmenté de 2 %, pour atteindre 2,04 mille milliards de dollars.2 Il faut savoir que les tarifs ont presque doublé entre octobre et avril, pour atteindre 39,9 milliards de dollars, contre 21,8 milliards de dollars, ce qui a certes aidé à faire grimper les revenus.2
Certains gazouillis présidentiels récents semblent confirmer l’hypothèse voulant que les États-Unis puissent en venir à devoir se fier aux tarifs pour accroître leurs revenus dans une conjoncture budgétaire difficile :
* « Les tarifs apporteront à notre pays BEAUCOUP PLUS de richesse que même un accord traditionnel phénoménal. En plus, c’est beaucoup plus facile et rapide. Nos agriculteurs vont faire mieux, plus vite et nous pourrons aider les pays affamés. Des dérogations seront accordées sur certains produits ou seront transférées à d’autres produits! » (traduction libre)3
* « Les pourparlers avec la Chine se poursuivent de manière très conviviale – il n’y a absolument pas lieu de se précipiter, d’autant plus que la Chine verse MAINTENANT aux États-Unis des tarifs de 25 % sur 250 milliards de dollars de biens et produits. Ces sommes considérables vont directement au Trésor des États-Unis… » (traduction libre)3
Or, les tarifs posent les problèmes suivants : 1) ce n’est pas la Chine qui les paie, ce sont les Américains; et 2) ils ne s’appliquent pas de façon progressive comme l’impôt sur le revenu. Autrement dit, ils touchent de façon disproportionnée les Américains à revenu faible et moyen parce que ces taxes représentent une plus forte proportion de leur revenu. (L’impôt sur le revenu est fixé en pourcentage du revenu du contribuable, alors que les tarifs coûtent le même prix sans égard au revenu du particulier). Même si, jusqu’ici, les consommateurs américains ont fait preuve d’une force considérable, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de la vigueur du marché du travail américain, nous allons suivre de près la confiance et les dépenses des consommateurs à mesure que la guerre tarifaire va s’intensifier.
Retombées de l’incertitude l’égard de la politique économique sur les dépenses d’investissement des entreprises
À mon avis, les dépenses d’investissement des entreprises sont une plus grande préoccupation. Après de nombreuses années de recherches, les économistes Huseyin Gulen et Mihai Ion en sont venus à la conclusion que cette incertitude à l’égard de la politique économique a une forte corrélation négative avec les dépenses d’investissement des entreprises.4 Leurs recherches ont également démontré que les chocs positifs de l’indice d’incertitude en matière de politique économique s’accompagnent de fortes baisses d’autres indices pendant au moins deux ou trois ans, en particulier, ceux de la production industrielle, de l’emploi, du PIB (produit intérieur brut) et de l’investissement immobilier.5
L’incertitude à l’égard de la politique commerciale est une forme particulièrement dévastatrice d’incertitude à l’égard de la politique économique. Au cours de la dernière année, des données anecdotiques tirées du Livre beige de la Réserve fédérale américaine (la Fed) et des sondages effectués auprès des gestionnaires en approvisionnement ont indiqué que certaines entreprises réduisent ou suspendent leurs projets d’investissement en raison de l’incertitude à l’égard de la politique commerciale. Compte tenu de la récente détérioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine, nous allons également devoir suivre de près les projets d’investissement des entreprises.
La volatilité va-t-elle persister?
Nous pouvons nous attendre à une plus forte volatilité des marchés boursiers et des marchés des titres à revenu fixe. Mon scénario de référence est une reprise des négociations, des flambées épisodiques de tensions, des marchés influencés autant par les bonnes que les mauvaises nouvelles et pas d’accord significatif de sitôt. À court terme, je soupçonne que l’exode vers les valeurs sûres va se poursuivre, ce qui favorise les bons du Trésor américain et le yen, et que les marchés boursiers vont se replier, mais à un certain point, je pense que la chasse aux bonnes affaires va commencer. Certains investisseurs seront peut-être rassurés de savoir que, selon moi, le prochain repli aurait été beaucoup plus marqué si la Fed n’avait pas changé sa politique cette année.
Remarques
1. Source : Oxford Economics for the U.S.-China Business Council, « Understanding the U.S.-China Trade Relationship », janvier 2017. Les données indiquées sont les plus récentes disponibles.
2. Source : Département du Trésor américain, mai 2019
3. Source : Twitter, Donald J. Trump, (@realDonaldTrump), 10 mai 2019
4. Source : Gulen, Huseyin et Ion, Mihai, Policy Uncertainty and Corporate Investment (24 juin 2015). Review of Financial Studies, Vol. 29 (3), 2016, 523-564
5. Source : Baker, Scott, Bloom, Nicholas et Davis, Steven, « Measuring Economic Policy Uncertainty », 2016
L’indice d’incertitude en matière de politique économique est compilé par la Réserve fédérale de St. Louis afin de mesurer la confiance des investisseurs à l’égard des politiques qui ont un impact sur l’économie.
Le document Summary of Commentary on Current Economic Conditions de la Réserve Fédérale (communément appelé le Livre beige) est publié huit fois par année. Chaque banque fédérale de réserve recueille des données anecdotiques sur les conditions économiques dans son district et le Livre beige en fait un résumé par district et par secteur.
Le produit intérieur brut est un indicateur généralisé de l’activité économique d’une région qui mesure la valeur monétaire de tous les produits finis et services produits dans cette région au cours d’une période donnée.
Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de Kristina Hooper au 13 mai 2019. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration des grands thèmes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.
Kristina Hooper est stratège des marchés mondiaux à Invesco. Cet article est paru initialement sur le blogue Invesco.
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© 2019 par Invesco Canada Ltée. Reproduit avec permission. Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de Kristina Hooper au 13 mai 2019. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration des grands thèmes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.
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