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Comme le savent tous les parents d’enfants en bas âge ou d’adolescents, il y a souvent une grande différence entre ce que les enfants veulent (des bonbons et se coucher plus tard) et ce dont ils ont besoin (des légumes et beaucoup de repos). Cette image me vient en tête alors que j’attends l’issue de la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) de ce mois-ci. Beaucoup s’attendent à une baisse de taux, mais quel est la baisse dont les marchés ont besoin, par rapport à celle qu’ils voudraient avoir?
Les investisseurs veulent que la Fed procède à une baisse de taux en juillet, certains ont même demandé une baisse de 50 points de base (pb). L’enthousiasme à l’égard de pareille baisse s’est intensifié depuis la comparution de Jay Powell, président de la Fed, devant le Congrès il y a deux semaines, lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité d’une baisse de 50 pb. Il n’a pas répondu à la question, ce qui a fait croire que cela pourrait se produire.
Je tiens à vous mettre en garde contre une baisse de taux de 50 pb; je crois que ce serait réellement alarmant. À mon avis, cela serait justifié si l’économie n’était pas aussi en santé que celle des États-Unis en ce moment et si les risques de perte étaient plus élevés. Cependant, je crois que la Fed pourrait justifier une baisse de taux de 25 pb en juillet pour les raisons énumérées ci-dessous :
Risques économiques. Les risques qui pèsent sur l’économie vont en augmentant. Le procès-verbal de la réunion de juin du Federal Open Market Committee (FOMC), qui a été rendu public il y a deux semaines, dresse un portrait plus négatif des perspectives économiques que le procès-verbal des réunions précédentes. On peut y lire que les risques de perte « ont augmenté considérablement » et que « beaucoup » d’investisseurs se préoccupent de cette menace grandissante.1
Guerres commerciales. L’intensification des différends commerciaux, plus particulièrement, constitue une véritable menace à l’économie mondiale. Dans son témoignage M. Powell a dit que les risques liés à la guerre commerciale opposant les États-Unis et la Chine pèsent sur un marché par ailleurs en bonne santé, expliquant que depuis que les dirigeants de la Fed se sont réunis le mois dernier, « l’incertitude provoquée par les tensions commerciales et les craintes entourant la vigueur de l’économie mondiale continuent d’assombrir les perspectives économiques des États-Unis ».2
Le procès-verbal de la réunion du FOMC fait état de craintes entourant notamment la diminution des dépenses d’investissement des entreprises (comme on sait, elle survient souvent en raison de l’incertitude à l’égard de la politique économique). Cette préoccupation a été réitérée le 12 juillet, lorsque j’ai assisté à une allocution du président de la Fed de Chicago, Charles Evans, qui a dit que les dépenses d’investissement des entreprises sont inférieures à ses prévisions, compte tenu des réformes fiscales qui ont été instaurées pour relancer l’économie.
De toute évidence, les guerres commerciales causent déjà des dégâts, qui se manifestent sous forme de diminution des dépenses d’investissement des entreprises et de recul des indices manufacturiers mondiaux, et la Fed craint que la situation ne se détériore. Le président de la Fed de St-Louis, James Bullard, a récemment soutenu que la Fed devrait procéder à une baisse de taux en juillet en guise « d’assurance » contre le ralentissement de la croissance en lien avec les différends commerciaux.3
Retour au « taux neutre ». Dans son témoignage, M. Powell a aussi mentionné que le retour au « taux neutre », taux auquel la politique monétaire n’est ni expansionniste ni restrictive, est plus bas que ce qu’indiquaient les estimations antérieures,4 ce qui permettrait à la Fed de procéder à une baisse de taux sans altérer les statistiques économiques.
Faible inflation. M. Evans a parlé pendant son discours de l’importance de faire grimper le taux d’inflation. Il a dit qu’il est trop bas depuis trop longtemps et a ajouté que la Fed devrait s’efforcer d’atteindre son taux d’inflation cible afin de maintenir sa crédibilité. M. Powell s’est dit lui aussi intéressé à stimuler l’inflation. Selon lui, il y a eu une rupture sur la courbe de Phillips dans la relation entre l’inflation et le taux de chômage, en ce sens que même si le taux de chômage est bas, cela n’a pas eu d’incidence sur l’inflation. « La relation entre le taux de chômage et l’inflation s’est effritée » il y a environ une vingtaine d’années, a déclaré M. Powell, et « elle se détériore de plus en plus ».4 Cela suppose que la Fed pourrait même relever son taux d’inflation cible, ce qui lui permettrait de procéder à des baisses de taux sans faire broncher les statistiques économiques.
Marché du travail. La vigueur du marché du travail ne devrait pas dissuader la Fed de procéder à une baisse de taux. M. Powell est allé jusqu’à dire qu’il ne pense pas que le marché du travail tourne à plein régime : « Nous ne disposons d’aucunes données et rien n’indique que nous sommes en présence d’une surchauffe du marché du travail ».5
Mesure préventive. De toute évidence, le FOMC cherche à éviter un « choc défavorable ». M. Powell a martelé son message en réitérant qu’il vaut mieux prévenir que guérir. M. Powell a ajouté que l’économie américaine est « en très bonne posture », mais qu’il est important d’utiliser les outils de politique monétaire à notre disposition « pour qu’elle le reste » et pour contrebalancer le moindre ralentissement découlant de l’effondrement mondial du secteur manufacturier et de la crise de confiance des entreprises liés aux tensions commerciales.
Conclusion : je m’attends à une baisse de taux de 25 pb
En terminant, une autre raison pourrait peut-être inciter la Fed à procéder à une baisse de taux. Le Département du Trésor américain a publié ce mois-ci une mise à jour des statistiques sur le déficit. Le déficit croît comme de la mauvaise herbe : pendant les neuf premiers mois de l’exercice 2019, le déficit a augmenté de 23 % par rapport à la même période de l’exercice 2018.6 Un facteur qui fait gonfler le déficit est l’augmentation du coût du service de la dette : les frais d’intérêt ont augmenté de 16,4 % par rapport à l’année précédente, principalement en raison de la hausse des taux d’intérêt.7 Bien que la Fed n’ait jamais mentionné l’augmentation du coût du service de la dette pour justifier une baisse de taux, alors que la dette publique américaine continue de monter en flèche, une baisse des taux ferait diminuer la pression.
En ce qui concerne la possibilité d’une baisse de taux de 50 pb, j’en doute fort et je ne crois pas que ce serait une bonne idée. Je préférerais une baisse de taux de 12,5 pb plutôt que de 50 pb. (Bien que cela puisse paraître insensé, l’ex-vice-président de la Fed, Stanley Fischer, qui a déjà été gouverneur de la Banque d’Israël, aurait plaidé en faveur d’une hausse de 12,5 pb comme première hausse de taux de la Fed en 2015, afin d’aider les marchés à se faire à l’idée d’un resserrement.)
Selon moi, une baisse de taux de 50 pb pourrait – et devrait – être perçue comme un signal d’alarme. Je crois que la Fed devrait y aller avec modération, d’autant plus qu’elle qualifie cette baisse potentielle de mesure préventive; il reste certes encore plusieurs réunions cette année, chacune suivie de sa conférence de presse, qui lui donneront l’occasion de procéder à une baisse de taux. N’oubliez pas non plus que la Fed a un autre élément important à prendre en considération : garder assez de munitions pour gérer la prochaine crise. Avec un taux des fonds fédéraux aussi bas et un bilan aussi alourdi, la Fed n’a pas autant de munitions qu’il y a une décennie, alors qu’elle s’est attaquée à la crise financière mondiale.
À mon avis, tout indique que la Fed va abaisser son taux directeur de 25 pb à sa réunion de la fin de juillet pour donner aux investisseurs ce dont ils ont besoin, même si ce n’est pas nécessairement ce qu’ils voudraient. Cela étant dit, il ne faut pas sous-estimer la menace que représentent les guerres commerciales qui se poursuivent et s’intensifient et c’est la raison pour laquelle je crois que la Fed ferait bien d’intervenir en juillet, puis de suivre la situation de près pour voir s’il y a lieu d’assouplir davantage la politique monétaire.
1. Source : procès-verbal de la réunion de juin du Federal Open Market Committee.
2. Source : Réserve fédérale américaine, témoignage de Jerome H. Powell devant le Comité des finances, 10 juillet 2019.
3. Source : Reuters, « Fed’s Bullard, citing low inflation and trade, calls for rate cut », 10 juillet 2019.
4. Source : Bloomberg, L.P., « Powell says Fed has room to cut, may have kept policy too tight », 11 juillet 2019.
5. Source : CBS News, « Fed’s Powell says ‘hot’ labor market is overhyped », 10 juillet 2019.
6. Source : The Wall Street Journal, « U.S. budget gap widened 23% in first nine months of fiscal year », 11 juillet 2019.
7. Source : Trésor américain, déclaration mensuelle de trésorerie, au 30 juin 2019.
Un point de base représente un centième d’un point de pourcentage.
La courbe de Phillips est la théorie selon laquelle il existe une relation inversement proportionnelle entre le taux d’inflation et le taux de chômage.
Kristina Hooper est stratège des marchés mondiaux à Invesco. Cet article est paru initialement sur le blogue Invesco.
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© 2019 par Invesco Canada Ltée. Reproduit avec permission. Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de Kristina Hooper au 15 juillet 2019. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration des grands thèmes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.
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