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Inflation : Changement de régime en cours

Publié le 06-16-2021

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D’une stagnation séculaire à une croissance élevée

 

Alors que le monde reprend vie après le confinement (avec précaution pour certains, avec audace pour d’autres), il n’est pas surprenant que l’inflation monte actuellement en flèche partout sur la planète. Dans mon dernier commentaire, je mettais l’accent sur l’offre (l’inflation « par les coûts »). Cependant, les perspectives sont complètement différentes si l’on se penche sur l’autre cause principale de l’augmentation des prix : la demande globale excessive (l’inflation « par la demande »). La dernière décennie a été marquée par une croissance lente, une désinflation et un sentiment d’insécurité chez les investisseurs. La stagnation séculaire, le passage à vide et une nouvelle normalité étaient les discours dominants. Une série de chocs déflationnistes a conforté ce point de vue, plus particulièrement le désendettement pluriannuel des ménages aux États-Unis et dans la zone euro. Le problème central était une déficience de la demande globale.

L’économie mondiale entre maintenant dans un nouveau territoire. Le bois nécessaire pour allumer un feu de demande peut être constaté presque partout. Cela peut être vu sous l’angle des consommateurs, des entreprises et des gouvernements. En ce qui a trait aux consommateurs, il faut savoir que l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001 a été profondément déflationniste, libérant 500 millions de nouveaux travailleurs dans l’économie mondiale. Mais les salaires ont augmenté au point que la Chine n’exporte plus de déflation vers le reste du monde. En 2001, les travailleurs du secteur manufacturier américain gagnaient plus de 27 fois le salaire des travailleurs chinois. En 2019, ce chiffre a considérablement chuté pour passer à moins de 5 fois, étant donné que les salaires du secteur manufacturier chinois ont grimpé de 845 % au cours de cette période.

Bien que les marchés du travail soient peu actifs, les salaires commencent à augmenter dans les pays occidentaux. En réalité, la première récession américaine au cours de laquelle la croissance des salaires a à peine chuté a eu lieu l’année dernière. Cela représente une grande différence par rapport aux crises précédentes. De plus, la valeur nette des ménages américains a augmenté de plus de 20 billions de dollars l’année dernière, car le bilan de nombreux ménages a été particulièrement bon pendant la pandémie.

Des bilans sains pour les ménages mènent à la reprise

Pourtant, nombreux sont ceux qui se demandent encore si le monde d’après-pandémie palpitera comme il le faisait dans les années 1920. Comment pourrait-il en être autrement? Ensemble, le krach de 2008, la pandémie et le populisme, qui a atteint son paroxysme à Washington l’année dernière, représentent une période de détresse continuelle. Il serait étrange que d’un autre côté, les consommateurs ne réagissent pas.

Pour les entreprises, l’ingrédient manquant de la reprise du début des années 2000 et d’après 2008 a été des dépenses d’investissement importantes, étant donné que la plupart ont privilégié les investissements légers en logiciels et en téléphones intelligents. Cette situation est appelée à changer dans les années à venir. Que les lecteurs soient d’accord ou non avec le changement climatique, il est certain que les énergies fossiles seront progressivement remplacées par l’électricité renouvelable comme la source d’énergie dominante à l’échelle mondiale. Cette transformation nécessitera d’énormes investissements et pourrait être comparable au boom de la reconstruction d’après-guerre étant donné que les infrastructures, les réseaux de transport et les technologies nécessitent d’importants investissements en capital fixe. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’un phénomène à portée uniquement nationale. Celui-ci se produira à l’échelle mondiale. En fait, les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis ne font que renforcer cette tendance. L’expérience du Royaume-Uni et de l’Allemagne à la fin du 19e siècle et au début du 20e, ainsi que la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, laissent entendre que les grandes rivalités stimulent les investissements massifs dans la technologie, la science et d’autres innovations. Ce sera pareil cette fois-ci.

Enfin, la réaction des gouvernements mondiaux face à la COVID-19 a déclenché une dynamique qui marque le début de la fin de la période désinflationniste. D’un point de vue fiscal, la pandémie a constitué un moment de rupture révolutionnaire. Les mesures de relance sont arrivées rapidement et intensément. Cependant, les plans de dépenses budgétaires supplémentaires sont encore répandus, allant des réductions d’impôts à des projets d’infrastructures.

Nombreux sont ceux qui déclarent que les dépenses budgétaires n’auront pas un grand effet stimulant. Les subventions aux revenus des ménages au cours de la dernière année ont un multiplicateur beaucoup plus faible que les investissements publics (et, en Amérique, le ménage moyen a économisé environ 75 % des transferts de revenus pour les investir ou rembourser ses dettes). Le plan d’infrastructure de Biden s’échelonnera sur huit ans et ajoutera seulement environ 1 % à la demande globale par an, en supposant qu’il soit approuvé tel quel. Tout cela est vrai, mais ne tient pas compte des implications politiques des mesures de relance. Si les dépenses sont considérées « efficaces » (comme elles le seront certainement dans le cadre de la hausse cyclique actuelle), les politiciens seront crédités pour avoir voté et mis en œuvre ces mesures. Une boucle de rétroaction, dans laquelle les politiciens sont encouragés à en faire plus et à aller plus loin, surviendra. La théorie monétaire moderne est à la base de tout cela, qui est passée de la marginalité au courant dominant de la conversation politique (pour plus d’informations à ce sujet, cliquez ici). Plus important encore, un consensus a émergé chez les décideurs politiques : les risques d’en faire trop peu dépassent amplement les risques d’en faire trop. La honte du déficit et l’austérité ne sont maintenant plus d’actualité.

Sur le plan monétaire, les banques centrales mondiales sont presque unanimes sur le fait que l’inflation récente sera transitoire, une aberration plutôt que le début d’un changement séculaire. Mais il s’agit d’un cas classique de généraux qui se préparent à combattre lors de la dernière guerre. Dans la période qui a suivi 2008, les banques centrales ont systématiquement surestimé la croissance et l’inflation. Désormais, conditionnées par des années de fausses alertes inflationnistes, elles supposent une reprise longue et laborieuse avec la même dynamique désinflationniste. La Fed a même apporté des modifications majeures à son cadre de politique monétaire, en délaissant complètement la courbe de Philips et passant à une approche de « ciblage de l’inflation moyenne ». Si l’on se base sur les sous-estimations passées de l’inflation (environ 500 points de base au cours des 10 dernières années pour ceux qui comptent), l’inflation peut atteindre un niveau substantiellement élevé sans dépasser l’objectif d’inflation moyenne.

Tout cela a une composante comportementale cruciale : les anticipations d’inflation. La banque centrale a toujours été un jeu de confiance. Les responsables de la politique monétaire se soucient beaucoup des prévisions d’inflation des marchés, des consommateurs et des professionnels. Actuellement, elles sont toutes orientées à la hausse. Le point mort d’inflation américain à 5 ans (un indicateur des anticipations d’inflation dérivé du marché) est passé d’un effondrement total en mars dernier à une sortie de sa fourchette historique et à son niveau le plus élevé depuis presque 13 ans. La dernière enquête menée par l’Université du Michigan auprès des consommateurs montre que les prévisions à 5 ans ont atteint un niveau record de 3,1 %. De plus, la dernière enquête réalisée par les prévisionnistes professionnels de la Fed de Philadelphie, qui fluctuent beaucoup moins que les attentes des consommateurs et qui ne surestiment pas systématiquement l’inflation, a révélé que les prévisions de l’inflation des dépenses personnelles de consommation à 10 ans dépassaient l’objectif de 2 % de la Fed.

Le risque manifeste ici est que les prévisions deviennent des prophéties auto-réalisatrices. Si l’on s’attend à ce que l’inflation soit plus élevée à l’avenir, les gens seront prêts à payer plus aux prix courants. Quand l’inflation dépasse la cible, les attentes ne sont plus ancrées. Et étant donné que la crédibilité de la banque centrale est compromise, les marchés pourraient ne pas faire confiance aux responsables politiques pour ramener l’inflation à un niveau plus bas. Les banques centrales mondiales font le grand pari que l’inflation actuellement élevée peut revenir sereinement à son cours précédent.

Les implications en termes de placements

L’être humain a l’habitude d’établir des perspectives de manière binaire : y aura-t-il de l’inflation ou pas? Et les investisseurs se concentrent sur des prévisions ponctuelles : quelle sera l’ampleur de l’inflation? Ce sont de mauvaises questions. Les marchés réagissent aux changements à la marge. Et principalement, ils réagissent à l’interaction entre les attentes et les données réelles.

Cela signifie que la meilleure approche pour les investisseurs consiste à prévoir une asymétrie dans le positionnement. La réalité est que bon nombre des prix des actifs actuels reflètent toujours les tendances désinflationnistes des 40 dernières années. Les obligations d’État occidentales, en particulier, sont toujours évaluées dans une ère glaciaire déflationniste. La complaisance demeure élevée. Et maintenant, des preuves qui indiquent un changement de régime de placement font surface. La dynamique change partout. À titre d’exemple, le FNB iShares US Momentum va subir un énorme changement cette semaine, avec 68 % de ses positions qui fluctuent (la technologie passe de 40 % à 17 %, alors que les valeurs financières passent de moins de 2 % à 33 %).

Au cours des 3 à 5 prochaines années, notre équipe de placement s’attend à ce que l’inflation soit en moyenne légèrement plus élevée que celle des deux dernières décennies. Mais même avec ce changement modéré, le leadership en matière de placement va complètement changer. Les placements perdants seront ceux qui ont été surenchéris par la thèse d’une inflation « toujours plus faible ». Cela inclut les valeurs technologiques de croissance à long terme qui sont devenues les favorites du moment. Parmi les gagnantes, nommons les valeurs bancaires (qui sont devenues bien capitalisées et qui sont les bénéficiaires naturels d’une courbe des taux qui s’accentue) et les valeurs industrielles (et d’autres secteurs qui peuvent répercuter l’augmentation des coûts). D’autres industries cycliques reviendront en vogue. Les obligations des marchés émergents feront l’objet d’une offre soutenue, car il existe peu de titres qui donnent des taux réels positifs. Une croissance et une inflation plus élevées sont la clé de ces changements séculaires. Les marchés sont loin d’avoir évalué tout cela.

Tyler Mordy, CFA, est président et chef des placements à Forstrong Global Asset Management Inc., impliqué dans la stratégie descendante, la politique de placement et la sélection de titres. Il se spécialise dans la stratégie de placement mondiale, la recherche et l'analyse. Cet article a été publié pour la première fois sur le blogue Global Thinking de Fortstrong. Utilisé avec permission. Vous pouvez joindre M. Mordy par téléphone à Forstrong Global, au 1-888-419-6715 (numéro sans frais), ou par courriel à tmordy@forstrong.com. Suivez Tyler Mordy sur Twitter à @TylerMordy et @ForstrongGlobal.

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