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Gare à l’ours

Publié le 05-30-2022

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Ce que les marchés baissiers pourraient signifier pour les investisseurs

 

Nous vivons dans une banlieue où l’on côtoie beaucoup d’animaux sauvages. On voit parfois des dindes sauvages traverser la rue, les écureuils sont beaucoup plus nombreux que les humains et parfois un faucon survole notre maison à la recherche d’une petite proie à saisir (ce qui me rend plutôt nerveuse puisque nous avons plusieurs chihuahuas dodus). Nous avons même un raton laveur qui a élu domicile sous notre terrasse et scrute régulièrement notre porte patio à la recherche de nourriture. Mais jusqu’ici, on voyait très rarement des ours rôder dans notre quartier. Cela a changé la semaine dernière, alors que certains on dit avoir aperçu un ours noir dans leur cour arrière à moins de trois kilomètres de notre maison. C’est plutôt ironique de penser que ces animaux qu’on voit rarement aient été observés la même semaine que l’indice S&P 500 a brièvement tombé en territoire baissier (situation souvent représentée par un ours).

Des ours (ceux des marchés) ont été observés dans d’autres régions du monde également. Plus particulièrement, l’indice MSCI Chine a chuté de plus de 20 % cette année et nous avons observé des marchés baissiers en Russie et en Europe de l’Est, comme on pouvait s’y attendre, compte tenu de la crise géopolitique qui sévit dans la région.1 D’autres grands indices ont subi de fortes corrections, mais ne sont pas encore tombés en territoire baissier.

Qu’est-ce qu’un marché baissier pourrait signifier pour les investisseurs? L’histoire nous a appris ceci :

  1. Qu’un marché baissier ne signale pas nécessairement une récession. La plupart des marchés baissiers laissent présager une récession, mais pas tous. Les trois derniers marchés baissiers du S&P 500 ont été suivis d’une récession, mais il n’y a pas eu de récession aux États-Unis après le marché baissier de 1987 ni après ceux de 1961 et de 1966.2
     
  2. Qu’en règle générale, la profondeur et la durée du marché baissier sont dans une certaine mesure corrélées à la profondeur et à l’ampleur du ralentissement économique. Par exemple, le marché baissier du S&P 500 de 2020 a duré moins de deux mois et la récession de 2020 a également été très brève.3 À l’inverse, le marché baissier de 2007-2009 a vu l’indice S&P 500 dégringoler de 56 % et s’est avéré un indicateur avancé de la forte récession mondiale de 2008-2009.3
     
  3. Qu’un marché baissier peut faire surgir des occasions d’achat. Les actions peuvent devenir survendues dans un marché baissier. Les investisseurs sont généralement très négatifs et les manchettes pessimistes mettent l’accent sur les replis boursiers. Les émotions prennent parfois le dessus, exacerbent les replis et rendent les marchés beaucoup moins rationnels. Nous savons que chaque marché baissier du S&P 500 a été suivi d’une reprise qui a propulsé l’indice vers de nouveaux sommets. Cependant, il faut savoir que, parfois, la remontée peut prendre énormément de temps.

Une occasion de placement dans le secteur des technologies de l’information?

Parlant d’occasions de placement, un énorme ours a été aperçu dans le secteur des technologies de l’information. L’indice composé NASDAQ est loin en territoire baissier, après avoir chuté de près de 30 % par rapport à son sommet de vendredi dernier.4 C’est logique puisque les valeurs techno ont des valorisations plus élevées et subissent généralement des pressions lorsque les taux commencent à augmenter. De plus, ce sont généralement des actifs de « longue durée », ce qui signifie que ces titres ont une croissance des bénéfices plus forte et donc des bénéfices attendus plus élevés à plus long terme. Comme c’est le cas des titres à revenu fixe, où une obligation à 30 ans est généralement plus durement touchée par une hausse des taux d’intérêt qu’une obligation à court terme, les actions à plus forte croissance peuvent subir une plus forte pression à la baisse lorsque les taux augmentent et que leurs bénéfices à plus long terme sont actualisés à un taux d’intérêt plus élevé, surtout lorsque l’on anticipe un cycle de forte hausse des taux.

Le repli actuel a commencé dans les recoins les plus spéculatifs du secteur des technologies de l’information, puis il s’est étendu aux plus grandes entreprises dotées de très bons bilans. Je crois que la réévaluation des titres est exagérée, d’autant plus que je suis persuadée que la Réserve fédérale américaine (Fed) ne procédera pas à un resserrement aussi marqué que ce à quoi s’attendent les marchés à l’heure actuelle.

À mon avis, dans une conjoncture d’inflation plus élevée, le secteur des technologies de l’information a généralement été attrayant parce que, dans l’ensemble, les marges bénéficiaires de ces entreprises sont plus élevées, ce qui leur permet de tolérer des coûts d’intrants plus élevés. De plus, le secteur des technologies de l’information, bien que toujours cher, a des valorisations nettement inférieures à ce qu’elles étaient pendant la bulle technologique. Malgré tout, il s’agit d’une conjoncture difficile et il y aura évidemment des gagnants et des perdants dans ce secteur. Cependant, je crois que le moment est peut-être venu pour les investisseurs dont l’horizon temporel est plus long de songer à augmenter de manière sélective leur exposition à ce secteur d’activité.

Cela étant dit, il faut savoir que les marchés risquent d’être volatils – et même de se replier – dans un proche avenir. À plus forte raison parce que la Fed va amorcer un resserrement quantitatif dans environ une semaine. Nous tenons aussi à noter le durcissement de ton du président du conseil de la Fed, Jay Powell, et de la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, ces derniers jours, ce qui rend les marchés encore plus nerveux et tendus. Cependant, le moindre repli devrait offrir des points d’entrée avantageux aux investisseurs à long terme qui font des achats périodiques par sommes fixes dans le secteur des technologies de l’information.

Il faut suivre les pistes des ours pour trouver de bonnes occasions de placement (du moins sur les marchés). En ce qui concerne les ours qui rôdent dans ma cour arrière, mes portes sont toujours barrées.

1. Source : MSCI, au 20 mai 2022

2. Récessions telles que définies par le National Bureau of Economic Research (NBER) des États-Unis.

3. Source : Bloomberg, L.P.

4. Source : Bloomberg, L.P.

Kristina Hooper est stratège des marchés mondiaux à Invesco. Cet article est paru initialement sur le blogue Invesco.

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