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Le dernier kilomètre coûteux de la Fed

Publié le 11-16-2023

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La récession risque d'être plus sévère que prévu

 

Dans le transport, le « dernier kilomètre » désigne le point de livraison final. En escalade, il désigne la montée la plus difficile vers le sommet. Quel que soit le contexte, le dernier kilomètre est l’aboutissement bien mérité d’un effort.

Dans le contexte de la lutte contre l’inflation, le « dernier kilomètre » désigne la réalisation durable de l’objectif d’inflation d’une banque centrale. Pour la Réserve fédérale (Fed), qui a commencé à durcir sa politique monétaire en 2022 lorsque l’inflation mesurée selon l’indice des dépenses de consommation personnelle de base a culminé à 5,8 %, le dernier kilomètre représente le défi de faire baisser l’inflation de son niveau actuel de 3,7 % à son objectif de 2 %.

Aussi noble que soit cet objectif, le dernier kilomètre peut représenter un coût significatif. En altitude, l’air se raréfie et les muscles s’endolorissent. Dans le transport, les marchandises doivent être transférées depuis des poids-lourds vers des véhicules plus petits, ce qui représente un coût considérable.

En va-t-il de même pour la politique monétaire ? Le dernier kilomètre est-il la partie la plus coûteuse du rétablissement de la stabilité des prix ?

Pour le président de la Fed Jerome Powell, la réponse est très certainement « oui ». Et si tel est le cas, les marchés sont-ils préparés aux difficultés à venir ? Sur la base des cours actuels des actions, des obligations et des devises, la réponse est « probablement non ».

Comment la Fed envisage le dernier kilomètre

La plus grande surprise macroéconomique de cette année a sans doute été la résilience de l’économie américaine et de son marché de l’emploi après le resserrement agressif mené par la Fed depuis le début de l’année 2022. Malgré les mises en garde apocalyptiques de la plupart des économistes, s’appuyant sur les habituels « indicateurs prédictifs » d’une récession (par exemple l’inversion de la courbe des taux), l’économie américaine continue de tourner à plein régime. Au cours des deux dernières années, la croissance a même plutôt surpassé sa tendance. Les créations d’emplois ont dépassé la croissance de la population active1, avec pour conséquence un taux de chômage au plus bas depuis cinq décennies.

Cette forte croissance et le marché de l’emploi serré ont été accompagnés d’une baisse de tous les indicateurs d’inflation (inflation de base, globale, des prix à la consommation et des salaires). Alors pourquoi le dernier kilomètre, la réalisation de l’objectif d’inflation de 2 % de la Fed, devrait-il être douloureux ?

C’est une question importante. Depuis un an, la Fed répète systématiquement que faire baisser l’inflation jusqu’à son objectif nécessitera une période de croissance inférieure à la tendance. En d’autres termes, la Fed pense que, pour que l’inflation enregistre durablement la baisse souhaitée, il faudra que des capacités inutilisées apparaissent dans l’économie, et en particulier sur le marché du travail.

Cette hypothèse se fonde sur une régularité empirique apparente observée pour la première fois en 1958 par l’économiste néo-zélandais William Phillips. La « Courbe de Phillips » prétend illustrer un compromis entre l’inflation et le taux de chômage. Plus précisément, l’inflation est élevée et grimpe lorsque le taux de chômage est très faible, et elle baisse généralement en période de chômage élevé.

La fascination de la Fed pour Phillips

Powell a affirmé clairement qu’il faudrait probablement un peu de capacité inutilisée dans l’économie pour parvenir à une inflation faible durable. Dans ses observations récentes devant l’Economic Club of New York, le président Powell a déclaré :

On peut toutefois relever deux éléments étranges dans cette déclaration. Tout d’abord, comme l’indique l’Illustration 1 ci-dessous, il n’existe aucun lien statistiquement significatif entre l’inflation américaine et le taux de chômage sur les 65 dernières années. Ce principe vaut même si l’on tient compte du décalage temporel entre le chômage et l’inflation, ou si l’on utilise l’écart entre le chômage réalisé et son taux d’équilibre estimé.

Deuxièmement, comme nous l’observons ci-dessus, la déclaration de Powell semble ignorer le fait que les taux américains de l’inflation de base et globale ainsi que de l’inflation salariale ont tous fortement baissé sur les 12 derniers mois, sans s’accompagner d’une période de croissance nettement inférieure à la tendance et encore moins d’une augmentation significative du chômage.

Alors pourquoi la Fed continue-t-elle d’affirmer qu’atteindre son objectif d’inflation de 2 % nécessitera une croissance inférieure à la tendance et une hausse du chômage ?

Différents facteurs guident probablement les réflexions de la Fed.

Implications pour les marchés

En conclusion, la Fed semble déterminée à maintenir des conditions monétaires et financières suffisamment restrictives jusqu’à ce que la croissance économique tombe sous sa tendance et jusqu’à ce que le chômage augmente. Qui plus est, si ces résultats ne se produisent pas prochainement, la Fed semble disposée à augmenter encore plus ses taux.

Ces résultats sont-ils compatibles avec les attentes actuelles du marché ?

En ce qui concerne les actions américaines et internationales, le scénario de base de la Fed fait obstacle aux prévisions de bénéfices actuelles. Le consensus des analystes a poussé les prévisions de bénéfices du S&P 500 pour 2024 à une croissance de 11,9 %.3 Si la croissance devait tomber sous la tendance l’année prochaine, les bénéfices risquent plutôt de stagner, voire de baisser. Et en cas de récession, les bénéfices pourraient baisser.

Les taux obligataires américains ont récemment baissé. Ils restent toutefois un point entier de pourcentage au-dessus de leurs niveaux du début de l’année, grâce notamment aux chiffres étonnants de la croissance et au volume élevé d’émissions de bons du Trésor. Si la croissance économique ralentit au cours des prochains trimestres, les taux obligataires continueront sans doute de baisser.

Et enfin, le dollar américain a connu une forte hausse en 2023 grâce à la hausse des taux obligataires américains et aux écarts de taux plus importants que dans d’autres pays. Ces deux sources de soutien vont s’estomper si la Fed parvient à imposer son point de vue, provoquant sans doute une baisse du dollar en 2024.

En conclusion, les investisseurs risquent de sous-estimer la détermination de la Fed à provoquer une croissance économique inférieure à la tendance et une hausse du chômage pour atteindre son objectif d’inflation. Une récession plus pénible que prévu est probable. En conséquence, les marchés d’actions américains et le dollar semblent vulnérables. Les cinq premières années de la courbe des taux des bons du Trésor américain restent trop optimistes quant à un assouplissement par la Fed. Nous pensons que les baisses de taux interviendront probablement plus tard, et plus progressivement, que ce que reflètent les cours actuels du marché. Nous pensons que l’extrémité longue de la courbe des taux (10 ans et plus), qui est plus sensible à la croissance à long terme, à l’inflation et aux conséquences financières d’un durcissement prolongé par la Fed, offre davantage de valeur étant donné la pression probable à la baisse de la croissance à moyen terme et des attentes d’inflation qu’implique la détermination de la Fed.

Le dernier kilomètre est souvent le plus difficile. Même si nous espérons que cet adage ne provoquera pas de difficultés économiques vis-à-vis de la politique monétaire américaine, nous avons bien conscience que l’espoir n’est pas une stratégie. Les investisseurs ont tout intérêt à se préparer à une dernière montée difficile.

Stephen Dover, CFA, est le stratège en chef des marchés de Franklin Templeton et responsable de l’Institut de placement Franklin Templeton . Initialement publié dans le bulletin d’information LinkedIn de Stephen Dover, « Global Market Perspectives » (en anglais seulement). Suivez Stephen Dover sur LinkedIn où il partage ses réflexions et commentaires ainsi que son bulletin d'information Global Market Perspectives.

Notes

1. Source : « Labor force and macroeconomic projections overview and highlights, 2022–32 ». US Bureau of Labor Statistics. Septembre 2023.
2. Source : Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve 19 octobre 2023.
3. Source : FactSet, au 10 novembre 2023. Rien ne garantit que les prévisions, projections ou estimations se réalisent.

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Image: iStock.com/rcaucino

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