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La deuxième semaine d’avril a été capitale pour les banques centrales : le procès-verbal de la réunion de mars du Federal Open Market Committee (FOMC) a été rendu public, ce qui nous a donné un aperçu du point de vue de la Réserve fédérale américaine (Fed) sur l’économie mondiale et les baisses de taux, et la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de garder le cap sur sa politique monétaire ultra-accommodante. Cela nous a rappelé que les banques centrales jouent un rôle crucial pour soutenir la croissance, contrôler l’inflation et stabiliser l’économie, une tâche qui se complique à mesure que ces institutions se politisent.
La Fed modère les attentes de baisses de taux
Le procès-verbal de la réunion de mars du FOMC dit que la Fed ne prévoit pas procéder à d’autres hausses de taux cette année, compte tenu du ralentissement économique mondial et de l’incertitude entourant les politiques commerciales, mais aussi qu’elle ne prévoit pas abaisser ses taux dans un proche avenir non plus. La Fed semble confiante d’être intervenue assez rapidement en modifiant sa politique pour ne pas avoir à intervenir de nouveau avant un certain temps et est persuadée que l’économie américaine sera en mesure de composer avec le ralentissement économique mondial. Cela me préoccupe car la Fed pourrait se complaire dans le statu quo, tout comme elle s’est contentée de relever régulièrement ses taux l’année dernière, si elle ne suit pas de près l’évolution des données. La bonne nouvelle est que certains membres du comité ont dit qu’ils pourraient voter soit en faveur d’une hausse de taux ou d’une baisse, tout dépendant des plus récentes données, ce qui m’indique que la Fed a le désir de rester dépendante des données. À mon avis, elle doit s’engager à rester dépendante des données si elle veut que sa politique monétaire soit efficace cette année.
Ce procès-verbal a changé radicalement les attentes du marché : le 26 mars, une probabilité supérieure à 65 % a été attribuée à une ou plusieurs baisses de taux d’ici la fin de l’année.1 Le vendredi 12 avril, le taux de probabilité avait chuté à 36 %.1 Par conséquent, on dirait que la Fed est confiante que mettre la normalisation « en veilleuse » pendant un certain temps suffira à soutenir les économies américaine et mondiale. Est-ce que ce sera effectivement le cas?
La Banque du Canada entend elle aussi garder le cap
La Banque du Canada a clairement adopté la même position que la Fed. Dans un récent discours, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a indiqué que la Banque du Canada va laisser les taux sous le taux neutre, compte tenu des difficultés auxquelles l’économie canadienne est confrontée. On n’a qu’à penser à l’incertitude provoquée par les différends commerciaux, le repli du marché de l’habitation et le taux d’endettement plus élevé des ménages canadiens. Or, à l’instar des États-Unis, nous devons nous demander si cela sera suffisant, étant donné que la Banque du Canada ne semble pas disposée à baisser les taux d’intérêt de sitôt.
La BCE maintient le statu quo pour le moment, mais devra-t-elle en faire davantage?
The BCE se trouve dans une position similaire. La semaine dernière, le conseil de la BCE s’est réuni et a décidé de maintenir sa politique monétaire ultra-accommodante. La prétendue logique était de donner le temps nécessaire aux récentes mesures de relance monétaire d’agir sur l’économie. Mais je me demande si cela sera suffisant, vu la détérioration des statistiques économiques ces derniers mois.
Le président de la BCE, Mario Draghi, a été clair : « Les plus récentes statistiques demeurent faibles, en particulier dans le secteur manufacturier… Le ralentissement de la croissance devrait se poursuivre pendant une partie de l’année. »2 Mais, est-ce que cela sera suffisant si les tensions systémiques s’accentuent au cours des prochains mois, alors que les risques géopolitiques s’intensifient à l’approche des élections en Europe et en Espagne et que la dette de certains pays, comme l’Italie, continue d’augmenter?
En fin de compte, on se demande si la BCE cherche un outil de politique monétaire efficace, qui n’aurait aucune des conséquences non intentionnelles négatives de la politique actuelle, mais qu’elle ne parvient pas à en trouver. M. Draghi a confirmé que les autorités envisagent d’adopter des mesures visant à atténuer l’impact sur les banques de son taux de rémunération des dépôts négatif et de la nouvelle opération ciblée de refinancement de long terme (TLTRO), mais il a ajouté qu’il était trop tôt pour décider.
Or, je doute que cela ferait une énorme différence, même si la BCE en faisait plus. Comme je l’ai déjà dit, M. Draghi est désormais un « canard boiteux », tout comme deux autre membres du conseil d’administration de la BCE. De plus, huit des 19 membres du Conseil des gouverneurs de la BCE vont quitter leur poste d’ici la fin de l’année. Par conséquent, les marchés risquent de ne pas avoir tellement confiance dans les décisions des membres actuels du Conseil des gouverneurs de la BCE, puisque leurs successeurs pourraient décider de changer l’orientation de la BCE.
Les banques centrales sont confrontées à la politisation grandissante
Les événements de la semaine dernière nous ont rappelé que les banques centrales continuent de porter un fardeau énorme pour soutenir la croissance, contrôler l’inflation et stabiliser les économies face aux défis toujours plus gros, comme le décrit le Fonds monétaire international (FMI) dans ses Perspectives de l’économie mondiale de la semaine dernière. Cette responsabilité est de plus en plus lourde à porter puisque les banques centrales sont de plus en plus politisées.
Pour illustrer ce phénomène, le magazine The Economist y a consacré son plus récent article-vedette intitulé Interference Day – Central Banks in the Age of Populism («La journée de l’interférence – Les banques centrales à l’ère du populisme», traduction libre). Par exemple, comme les élections européennes se tiendront en mai, la nomination du successeur de M. Draghi est probablement davantage teintée de politique. La politisation des banques centrales, comme ce fut le cas en Turquie, en Inde et aux États-Unis, est un enjeu suffisamment important pour figurer parmi les principaux sujets abordés à la réunion du FMI la semaine dernière. M. Draghi a même donné son opinion sur les États-Unis; il s’est dit « inquiet pour l’indépendance des banques centrales », en particulier « dans la plus grande puissance mondiale ».”3
Voyons les choses en face : il m’apparaît logique que les banques centrales soient la cible des mouvements populistes qui cherchent à prendre le contrôle d’un bastion d’élitisme et de compétences très éloignées de la démocratie. En réalité, les politiques des banques centrales ont exacerbé les inégalités de richesse au cours de la dernière décennie, ouvrant la voie aux perturbations géopolitiques et à la montée du populisme.
La menace de la dette
Pourquoi est-ce préoccupant? Si les banques centrales deviennent plus politisées, elles pourraient ne pas être en mesure d’intervenir aussi efficacement dans les crises futures. Cela pourrait être particulièrement problématique étant donné que les pays pourraient avoir plus de mal à intervenir en adoptant des mesures budgétaires pour surmonter les crises en raison de leur taux élevé d’endettement. Et, les taux d’endettement continuent d’augmenter, malgré la croissance économique observée dans de nombreux pays, soit la phase du cycle économique où les gouvernements sont généralement censés rembourser leur dette, plutôt que d’en accumuler davantage.
La question de la dette a été remise sur la sellette pas plus tard que la semaine dernière : d’après le Département du Trésor des États-Unis, le déficit budgétaire s’élevait à 146,9 milliards $US en mars et le déficit sur six mois (depuis le 1er octobre 2018) se chiffre à 691,2 milliards $US, soit 15,3 % de plus qu’à la même période de l’exercice 2018. Évidemment, cela exacerbe la situation globale de la dette nationale. La dette fédérale du secteur public devrait atteindre 16,6 mille milliards $US à la fin de 2019, ce qui représente 78 % du produit intérieur brut (PIB) et 28,7 mille milliards $US d’ici 2029, ce qui représente 93 % du PIB.4
L’augmentation de la dette est omniprésente. Le gouvernement italien a admis qu’il n’atteindra pas la cible de déficit budgétaire qu’il avait convenue avec les autorités de l’Union européenne (ce qui risque de raviver les tensions avec Bruxelles). Le déficit budgétaire devrait atteindre plus de 3 % du PIB l’année prochaine, 3,7 % d’ici 2022 et continuer d’augmenter par la suite.5 D’après le plus récent Moniteur des finances publiques du FMI, le ratio de la dette publique de l’Italie devrait atteindre 134,4 % du PIB en 2020 et 138,5 % du PIB en 2024. Cela contreviendrait à l’accord conclu par l’Italie avec l’Union européenne dans le cadre du Traité de Maastricht, qui fixait les cibles de dette et de déficit à 3 % et 60 % du PIB, respectivement.
Nous allons suivre la situation de près.
Kristina Hooper est stratège des marchés mondiaux à Invesco. Cet article est paru initialement sur le blogue Invesco.
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Renseignements importants
1. Source : CME Group, FedWatch Tool
2. Source : Reuters, « Draghi comments at ECB press conference », 10 avril 2019
3. Source : Reuters, « ECB’s Draghi worried about Fed’s independence », 13 avril 2019
4. Source : Congressional Budget Office, janvier 2019
5. Source : The Telegraph, 10 avril 2019
6. Source : FactSet, 12 avril 2019
Le « Brexit » fait référence à la sortie prévue du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Le Federal Open Market Committee (FOMC) est un comité du conseil de la Réserve fédérale qui se réunit régulièrement pour établir la politique monétaire, y compris les taux d’intérêt facturés aux banques.
Le produit intérieur brut est un indicateur généralisé de l’activité économique d’une région qui mesure la valeur monétaire de tous les produits finis et services produits dans cette région au cours d’une période donnée.
Les indices des gestionnaires en approvisionnement (PMI) se basent sur les sondages mensuels des sociétés du monde entier, et mesurent la santé économique du secteur manufacturier et des services.
Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de Kristina Hooper au 15 avril 2019. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration de thèmes plus vastes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.
© 2019 par Invesco Canada Ltée. Reproduit avec permission.
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